Burma-Shave était une marque américaine de crème à raser sans blaireau. Au delà de son produit unique devenu iconique, elle est surtout célèbre pour son placement publicitaire très particulier, consistant à afficher des poèmes en rimes humoristiques sur de petits panneaux routiers séquentiels. La Razette vous emmène faire un tour sur la route 66, à la découverte des publicités Burma-Shave… En voiture !

Histoire de la marque Burma-Shave

Burma-Shave est créée en 1925 par la société Burma-Vita de Minneapolis, appartenant à Clinton Odell. Le premier produit cosmétique de la société était un liniment composé d’ingrédients décrits comme provenant « de la péninsule malaise et de la Birmanie » (= Burma en Anglais : d’où son nom). Les ventes n’étant alors pas brillantes, la société a donc cherché à les développer en lançant un produit plus attrayant.

Produits Burma-Shave
A gauche le pot indémodable en verre moulé et couvercle en métal peint, à droite la version tube, plus tardive.

Le résultat fut la marque de crème à raser sans blaireau Burma-Shave, et le programme publicitaire qui l’accompagnait. Le succès de ces publicités éparpillées le long des routes fut tel que les ventes ont augmenté très rapidement, à tel point qu’à son apogée Burma-Shave était la deuxième crème de rasage sans blaireau la plus vendue aux États-Unis. Les ventes ont ensuite diminué dans les années 1950 et en 1963, la société a été vendue à Philip Morris. Ses enseignes publicitaires bien connues ont été supprimées à cette époque. La marque a perdu de sa visibilité et est finalement devenue la propriété de l’American Safety Razor Company (qui produit aujourd’hui les lames Personna).

En 1997, l’American Safety Razor Company a réintroduit la marque Burma-Shave avec un kit nostalgique comprenant un savon et un blaireau de rasage, bien que le Burma-Shave original était une crème de rasage sans blaireau, et que les panneaux de signalisation de Burma-Shave eux-mêmes ridiculisaient fréquemment « le blaireau à l’ancienne de grand-père »…

Les panneaux Burma-Shave

La série de panneaux « Burma-Shave » est apparue pour la première fois sur l’autoroute 65 près de Lakeville dans le Minnesota, en 1926, et est restée un élément publicitaire majeur jusqu’en 1963 dans la plupart des États-Unis contigus. C’est Alan Odell, fils de l’inventeur (et poète à ses heures perdues) qui eut l’idée des publicités rimées ! La première série lisait : Courage, visage – la guerre est finie ! En règle générale, cinq ou six petits panneaux consécutifs sont placés en bordure des autoroutes, espacés pour permettre aux automobilistes de les lire successivement. Le dernier signe était presque toujours le nom du produit. Facilement reconnaissables par leurs lettres blanches sur fond rouge, il n’est pas rare d’en retrouver des hommages ou des parodies aujourd’hui sur le bord des routes américaines.

Pancartes Burma-Shave
Quelques exemples de pancartes Burma-Shave, la dernière étant bien sûr une parodie récente.

L’utilisation d’une série de petits panneaux, chacun portant une partie d’un message publicitaire, a été une approche réussie de la publicité sur les autoroutes au cours des premières années de la circulation routière, attirant l’attention des automobilistes qui passaient et qui étaient curieux d’apprendre la chute. Les enfants sur la banquette arrière étaient bien sûr ravis d’avoir un peu de lecture amusante pendant les grands trajets. Avec l’expansion du système inter-étatique à la fin des années 1950 et l’augmentation de la vitesse des véhicules, il est devenu plus difficile d’attirer l’attention des automobilistes avec de petits panneaux. Lorsque la société a été rachetée par Philip Morris, les enseignes ont été supprimées sur les conseils d’un avocat.

Evolution des messages

Dès 1928, les écrivains font preuve d’un sens de l’humour travaillé en jouant sur les mots « shave » et « save » (se raser et économiser). En 1929, les publicités prosaïques ont commencé à être remplacées par de véritables versets sur quatre pancartes, la cinquième n’étant qu’un remplissage pour le sixième, la signature Burma-Shave.

Les premières années, il n’y avait que deux à quatre séries de pancartes par an. En 1930, la société connaît une croissance importante et 19 séries d’enseignes sont produites. Les auteurs commencent à recycler leurs précédentes blagues et continuent de ridiculiser le « vieux » style de rasage. Ils commencent également à faire appel aux épouses. En 1935, la première apparition connue d’un message de sécurité routière apparaît, ils commencent à se multiplier en 1939.

Pendant les années de guerre, l’entreprise a recyclé beaucoup de ses vieilles affiches, les nouvelles étant surtout axées sur la propagande de la Seconde Guerre mondiale. 1963 est la dernière année pour les signes, dont la plupart sont des répétitions, y compris le slogan final, qui était apparu pour la première fois en 1953 :

Our fortune / Is your / Shaven face / It’s our best / Advertising space / Burma-Shave
Notre fortune / est votre / visage rasé / c’est notre meilleure / publicité / Burma-Shave

Plus de 600 poèmes

Au total, ce sont plus de 600 sets de pancartes qui ont été plantées le long des routes américaines ! La traduction n’est pas toujours aisée, mais en voici quelques uns qui fonctionnent plutôt bien en français :

 

Pour cinquante cents
Voici huit onces
A étaler finement
Sur la frimousse
Burma-Shave
Il jouait du saxo
Il s’était parfumé
Mais ne s’était pas rasé
Alors elle lui dit ciao !
Burma-Shave
Il avait l’alliance
Et l’appartement
Mais il n’était pas rasé
Alors elle l’a quitté
Burma-Shave
Mesdames, fuyez
Ce yéti mal rasé
En prenant toujours
L’escalier de secours
Burma-Shave
Restez au lit
Profitez de votre nuit
Et prolongez vos rêves
Grâce à 
Burma-Shave
Dans cette vallée
De larmes et de misère
Votre front se dégarnit
Mais votre barbe embellit
Burma-Shave

 

Poèmes promotionnels

Burma-Shave a parfois mis au point des campagnes astucieuses qui ont donné des résultats inattendus. En voici deux :

OFFRE GRATUITE ! OFFRE GRATUITE !
Pour une aile arrachée
De votre voiture
Envoyez-la nous contre
Un pot neuf de
BURMA-SHAVE

Cette première campagne a vu des centaines d’ailes de carrosserie leur être envoyées par courrier de tout le pays. Et chaque aile a été échangée contre un pot de Burma-Shave d’une demi-livre, comme promis – même si la société ne s’attendait pas à ce que quelqu’un le fasse réellement.

M. French et sa réclame pour des jarres vides de Burma-Shave.

GRATUIT GRATUIT
Un voyage
Vers MARS
Pour 900
Jarres vides de
BURMA-SHAVE

Cette seconde campagne a été prise au mot par un directeur de supermarché entreprenant du Wisconsin. Une jarre neuve valant 57 cents, il offrait alors 15 cents pour une jarre vide en retour. La société n’y a d’abord pas cru, puis a accepté de l’envoyer en vacances avec sa famille à Moers en Allemagne, l’endroit le plus proche qu’ils aient pu trouver avec un nom prononcé plus ou moins comme « Mars ». Cette campagne a permis d’accroître encore la visibilité de Burma-Shave, sans parler de celle du supermarché, qui a joué le jeu avec toutes sortes d’accessoires de science-fiction, dont une fusée. Burma-Shave a de son côté fourni au gérant des pots supplémentaires de son produit pour le troc avec les Martiens.

M. French récoltant ses jarres vides devant son magasin.

Impact culturel

Un certain nombre de films et d’émissions de télévision réalisés entre les années 1920 et 1950 ont utilisé les panneaux d’affichage routiers de Burma-Shave pour aider à planter le décor. On peut citer par exemple Bonnie and Clyde, A River Runs Through It, The World’s Fastest Indian, Tom and Jerry, MAS*H… Certains chanteurs ont utilisés certains de ces rimes, ou en font allusion dans leurs chansons. On peut citer Roger Miller, Tom Waits ou encore Chuck Suchy.

Plusieurs services des routes aux États-Unis utilisent des panneaux du même style pour dispenser des conseils de sécurité aux automobilistes. Plusieurs auteurs de poésie humoristique utilisent souvent « Burma Shave » comme dernière ligne de leurs poèmes pour indiquer leur nature non sérieuse.

Au Canada, le mot « burmashaving » est utilisé pour décrire les politiciens qui tiennent des pancartes et font signe à la circulation sur le bord de la route, un spectacle courant pendant les campagnes électorales.

Pourquoi ne trouve-t-on plus de Burma-Shave ?

Aujourd’hui malheureusement, la marque Burma-Shave n’existe plus. Mais un produit similaire, tout aussi bon (voire mieux encore !) se trouve chez Myrsol, la fameuse Emulsion ! Certains artisans comme Phoenix Shaving ont également repris le look Burma-Shave pour un de leurs produits « Irma-Shave », dont les bénéfices étaient reversés à une association caritative pour les victimes de l’ouragan Irma en 2017.

Les collectionneurs, passionnés ou même les amateurs seront toutefois ravis de retrouver d’anciens panneaux, et plus facilement d’anciennes jarres vides pour leur collection, décoration.

7 Replies to “Burma-Shave : quand se raser rime avec publicité”

  1. Très intéressante incursion dans la culture populaire américaine, je ne connaissais pas, merci !
    À noter que les crèmes de rasage non moussantes continuent d’exister, bien sûr. Citons par exemple l’excellente Rasoline de Molinard (célèbre parfumeur de Grasse, en France), ou les Ultimate Brushless Shave Cream de Kiehl’s (marque américaine qu’on trouve assez facilement en France), Pur Aloe, Joik…
    Elle sont parfaites pour les voyages, car pas besoin de prendre un blaireau (qu’on n’a jamais le temps de bien laisser sécher quand il faut ranger la valise à l’hôtel le matin !)

    1. Merci pour votre commentaire ! En effet la crème sans blaireau est en plus en voyage. Heureusement pour les amateurs de rasage au blaireau, les blaireaux de voyage se font de plus en plus en poils synthétiques, qui résisteront sans problème dans la valise jusqu’à la maison !

  2. Je ne suis pas un collectionneur ni un nostalgique du passé mais j’aime beaucoup les articles que vous faites sur les produits que vous proposez.
    Ils sont bien écrits, agréables à lire et semblent bien documentés (je ne suis pas assez compétent pour juger vraiment de ce dernier point).
    Continuez.

  3. Voilà qui étoffe agréablement la culture générale.

    Depuis l’adolescence, j’ai cet air de Tom Waits plaçant Burma Shave dans chaque strophe de la chanson éponyme (album Foreign Affairs) et j’ai bien mis 20 ans avant de trouver qu’il s’agissait d’une pub. Si le produit était à la hauteur de l’album, ce devait être un vrai Carambar.

    Merci pour l’excellent article.

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